Ápeiron

Dimitra Dede

For a long time, we believed, or wanted to be believed, that the role of photographers was to reproduce the world, to witness its upheavals, its beauty, its evolution. Most of those who produce images have been part of the development of this collective naïveté, which is wholly irrational and has more to do with worshipping icons than with an objective appraisal of the facts. It is precisely in the name of this – undemonstrated, and rightfully so – “objectivity” which allegedly founded a photographic ‘truth’, that the press, globally developed and imposed. That was before the current new practice and perception of images, where billions of people produce what they think are photographs with their cellphones.

 

Thanks to the more reasonable argument – audacious even twenty-five years ago – that photographic practice produces an absolutely subjective point of view, combining a personal perception of the world with an invention of an aesthetic proposal to share emotions, times have clearly changed. And it is obvious that photography asks more questions than it offers answers. Photographers don’t need to claim their right to freedom and vision anymore.

 

Dimitra Dede is clearly one of those photographers who use the world and their experience of space, people, time, shapes, to produce images that express their feelings, and stem from a deep necessity. In her case, the light invents details and sculptures in a dark world and captures silver grains to create vibrations in grey areas, caressing curves and lines, producing emotion and surprise. In her photographs, a hand, a body, a glacier, a female sex, clouds, a face, a tree, a body or a rock are equivalent. Pretexts to make an image, to provoke it, to generate it. For this reason Dimitra Dede considers them as raw material that she works, scratches, transforms, and mutates so as to create a world that exists only in the image, a floating world anchored to a disappeared reality. Time has stopped, or it became eternal, we don’t know, as it is strictly photographic and has nothing to do with that of our clocks.
Glaciers have now structures, between fabric and flesh. Glances, when there are any, emerge from a nebula. Between the body and the rocks, a new relationship mysteriously appears.

 

This is another definition of photography. One of artists who try to find in the real and physical world correspondences to their inner world, to their emotions, pains or happiness of a moment. Without ever hiding behind the pretense of an illusory “objectivity”. A beautiful way, even if it can sometimes be uncomfortable, to say “I”.

 

Christian Caujolle

 

 

[FR] On a longtemps cru, ou voulu laisser croire que l’on croyait, que les photographes étaient d’abord là pour reproduire le monde, pour témoigner de ses soubresauts, de sa beauté, de son évolution. Les producteurs d’images ont d’ailleurs, pour la plupart, été complices du développement de cette crédulité collective, parfaitement irrationnelle, et qui relève davantage d’une croyance révérant les icônes que d’une appréciation objective des faits. C’est précisément au nom d’une objectivité – jamais démontrée, et pour cause – qui aurait fondé une « vérité » photographique que la presse, entre autres, a répandu une vision de l’image fixe aujourd’hui battue en brèche par mille faits dont la multiplication exponentielle des producteurs de visuels armés de téléphones portables n’est pas le moindre.

 

Plus raisonnablement et grâce à l’affirmation – courageuse il y a encore un quart de siècle – que la pratique photographique produisait du point de vue, était absolument subjective et combinait une perception singulière du monde à une mise en forme des émotions afin de les partager, que la photographie posait davantage de questions qu’elle n’offrait de réponses, les temps ont réellement changé. Et des auteurs, des artistes ont affirmé leur vision sans plus chercher d’excuse.

 

Dimitra Dede fait à l’évidence partie de ces photographes qui tirent partie du monde dont ils expérimentent la matérialité pour produire des images qui traduisent, par nécessité, des formes véhiculant leurs sentiments. Dans son cas, il s’agit d’un univers sombre que la lumière sculpte jusque dans le moindre détail et dans le noir, accrochant les grains d’argent, faisant vibrer des gris profonds, caressant avec douceur courbes et lignes. Dans cette photographie, une main, un corps, un glacier, un sexe féminin, des nuages, un visage, un arbre, un corps ou un rocher sont équivalents. Prétextes à faire image, à la provoquer, la générer. Pour cela Dimitra Dede les considère comme une matière première qu’elle travaille, griffe, transforme, fait muer et muter afin d’aboutir à un monde qui n’existe qu’en image, un monde flottant mais qui s’ancre dans un réel disparu. Le temps s’est arrêté, ou éternisé, on ne sait, tant il est strictement photographique et n’a plus rien à voir avec celui de nos horloges.
Les glaciers sont devenus des organisations de plis, entre tissus et chair, les regards, lorsqu’il y en a, surgissent d’une nébuleuse, entre le corps et les rochers l’osmose est proche.

 

Il y a là une autre définition de la photographie. Celle d’artistes qui recherchent dans le monde des correspondances à leur monde intérieur, à leurs émotions, douleurs ou bonheurs d’un instant. Sans plus jamais se dissimuler derrière les faux-semblants d’une illusoire « objectivité ». Une belle façon, même si elle peut être parfois inconfortable, de dire « je ».

 

Christian Caujolle

 

 

Press release

© Dimitra Dede

© Dimitra Dede

© Dimitra Dede

© Dimitra Dede

© Dimitra Dede